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Santé

Le problème avec les suppléments vitaminiques

2 mai 2015

Dans un livre que nous conseillons et recommandons chaudement, à chaque fois que l’occasion nous en est donnée, Le Rapport Campbell : La plus vaste étude internationale à ce jour sur la nutrition, son auteur, le Pr T. Colin Campbell fait mention des processus d’interactions et de réactions se produisant entre les diverses substances contenues dans chaque aliment et qui font de celui-ci un trésor de nutriments pour le corps. Séparer ces diverses substances et les isoler, élimine ces interactions et ces réactions produites avec un aliment « complet » mais peut aussi, hélas, en créer d’autres, non prévues pour le corps. C’est pourquoi il écrit :

Les suppléments vitaminiques ne constituent pas une panacée

Puisque la nutrition fonctionne selon un système biochimique infiniment complexe qui fait appel à des milliers de substances chimiques ayant des milliers d’effets sur notre santé, il y a peu ou pas du tout de sens à prendre des nutriments isolés sous forme de suppléments, et ce, dans l’idée de les substituer aux aliments entiers. Les suppléments alimentaires ne conduisent pas à une santé durable et peuvent même avoir des effets secondaires imprévus. Qui plus est, pour les gens qui se fient à ces suppléments, les modifications bénéfiques et soutenues résultant d’un changement d’habitudes alimentaires sont retardées. Les dangers inhérents à un régime alimentaire occidental ne peuvent être contrés par l’ingestion de comprimés contenant des suppléments alimentaires.

Depuis les vingt à trente dernières années, tandis que je n’ai pu que constater l’explosion de l’engouement pour les suppléments alimentaires, la raison pour laquelle cette industrie énorme a vu le jour est devenue tout à fait claire pour moi. Les immenses profits réalisés motivent beaucoup les industries, et les nouvelles réglementations fédérales ont ouvert la voie à de plus vastes marchés. Par ailleurs, les consommateurs veulent continuer à manger leurs aliments habituels, avalant quelques suppléments pour se donner bonne conscience lorsqu’ils pensent que leur régime alimentaire peut avoir des répercussions négatives sur leur santé. Cet engouement pour les suppléments alimentaires de la part du public sous-entend que les médias peuvent dire aux gens ce que ces derniers veulent entendre et que les médecins ont quelque chose à proposer à leurs patients. Résultat ? L’industrie des suppléments alimentaires est multimilliardaire et fait dorénavant partie du paysage de la nutrition.

Mais la majorité des consommateurs a été dupée au point de croire qu’elle achète de la santé avec ces suppléments. Ce fut la formule du docteur Atkins, qui, en premier lieu, préconisa un régime à haute teneur en protéines et en lipides, sacrifiant la santé à long terme pour des résultats à court terme. Puis, en deuxième lieu, il recommanda aux gens d’absorber ces suppléments pour composer avec ce qu’il appelait, selon ses propres termes, « les problèmes habituels des gens qui font un régime amaigrissant« , soit la constipation, les fringales de sucre, la faim, la rétention d’eau, l’épuisement, la nervosité et l’insomnie.

La stratégie voulant qu’on soit et qu’on reste en bonne santé grâce aux suppléments alimentaires a cependant vu le jour entre 1994 et 1996, quand fut effectuée une recherche d’envergure sur les effets des suppléments de bêtacarotène (un précurseur de la vitamine A) sur le cancer du poumon et sur d’autres maladies. Mais après quatre à huit ans d’emploi permanent de ces suppléments alimentaires, le cancer du poumon n’a pas baissé comme on s’y attendait. Au contraire, il a augmenté ! Et on n’a pas non plus trouvé de bienfaits avec les vitamines A et E en ce qui concerne la prévention des maladies cardiaques. Depuis, on a mené un grand nombre d’autres recherches au prix de centaines de millions de dollars pour déterminer si les vitamines A, C et E préviennent les maladies cardiaques et le cancer. Deux analyses importantes de ces recherches ont récemment été publiées. Ainsi que les chercheurs l’affirment eux-mêmes, ils « n’ont pas pu déterminer les bienfaits et les méfaits de l’ingestion quotidienne de vitamines A, C et E, de multivitamines comportant l’acide folique, et de combinaisons d’antioxydants conçus pour prévenir le cancer et les maladies cardiovasculaires« . Ces chercheurs ont même déconseillé l’usage des suppléments de bétacarotène.

Cela ne veut pas dire que ces nutriments ne sont pas importants. Ils le sont, mais seulement lorsqu’ils sont consommés sous forme d’aliments et non sous forme de suppléments. Isoler des nutriments et essayer d’en bénéficier comme si on mangeait des aliments entiers est très révélateur de l’ignorance du fonctionnement du corps. Un article spécial paru dans le New York Times fait état de l’échec des suppléments alimentaires pour ce qui est de leurs bienfaits sur la santé. Avec le temps, je suis certain que nous continuerons de découvrir que le fait de se fier à ces suppléments pour assurer et maintenir notre santé, tout en continuant de nous alimenter à l’occidentale, est non seulement un gaspillage d’argent, mais aussi potentiellement dangereux.

Tout son livre essayant de « secouer le cocotier » en mettant à mal le bourrage de crâne du marketing, ainsi que les diktats divers et variés en matière de nutrition qui génèrent d’énormes profits pour certains secteurs de l’économie –et plus encore aux États-Unis-, on peut comprendre aisément que le Pr Campbell ait eu quelques difficultés à faire publier son livre. Il faut pourtant croire que la vérité finit toujours par se faire entendre !

Et en relisant ce passage de son livre, je ne peux m’empêcher de penser à ce nombre incroyable de femmes* venant acheter du son d’avoine dans un magasin bio où je faisais une animation… Quel régime aberrant peut donc bien les pousser à consommer un produit considéré, semble-t-il, comme « miracle » au lieu de réformer leur mode alimentaire dans le bon sens ? J’en reste rêveuse… et je m’interroge sur la véritable compétence des médecins qui les poussent dans cette direction.

* Pourquoi uniquement des femmes ? Les hommes seraient-ils moins perméables aux « inepties » diététiques ou tout simplement moins préoccupés de leur ligne ?

RÉSERVE : Bien qu’étant totalement d’accord avec ce qu’écrit le Pr Campbell, j’émettrai toutefois une réserve à ses propos au regard du monde dans lequel nous vivons et qui n’est plus celui de nos parents et ancêtres pour ce qui concerne la qualité de nos fruits et légumes (fussent-ils Bio), celle de notre environnement (eau, air, pollutions chimiques) et celle de nos modes de vie. Par conséquent je pense qu’il peut être judicieux de choisir, selon ses besoins particuliers et à certaines périodes de la vie, des compléments soigneusement sélectionnés (il importe d’en vérifier les composants et l’éthique de leurs fabricants… et de faire de son mieux).

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